L’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, prise en application de l’article 60 de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 (dite loi Pacte), a été publiée au Journal officiel du 16 septembre 2021 (JORF, 16 sept. 2021, texte 19) et modifie le régime des sûretés. L’article 29 modifie notamment l’article L 211-20 du code monétaire et financier afférant au régime du nantissement de compte-titres (anciennement appelé gage de compte d’instruments financiers).

Pour mémoire, cette technique consiste à nantir des titres financiers afin de les utiliser comme garantie. Le nantissement ne porte pas sur les titres eux-mêmes mais sur le compte sur lequel ils sont inscrits, étant rappelé que le compte-titres nanti n’est pas le compte « ordinaire » du constituant mais un compte « spécial ». Comme l’a souligné récemment la chambre commerciale, « la constitution en gage d’un compte d’instruments financiers est réalisée, tant entre les parties qu’à l’égard de la personne morale émettrice et des tiers, par la seule déclaration de gage signée par le titulaire du compte » (Com. 20 juin 2018, n° 17-12.559). Dit autrement, l’opposabilité du nantissement de compte-titres n’est donc pas subordonnée à sa notification.

Quelles nouveautés sont issues de la réforme ? On peut observer à titre liminaire que le régime du nantissement de compte-titres demeure à l’article L 211-20 du code monétaire et financier, à rebours de la proposition de l’avant-projet Grimaldi (2006) d’insérer cette technique dans le code civil.

1.- Traitement des fruits et produits. Il est ainsi consacré de manière expresse la possibilité pour les parties d’exclure conventionnellement les fruits et produits de l’assiette du nantissement de compte-titres. Malgré certains débats doctrinaux, cette souplesse était déjà permise et utilisée en pratique. L’ordonnance vient également apporter une distinction terminologique utile entre le compte spécial (désormais retenu uniquement pour le compte nanti) et le compte fruits et produits.

Les exigences relatives à l’ouverture du compte fruits et produits sont également assouplies. Comme le rappelle le rapport au Président de la République, cet assouplissement vise « à atténuer les difficultés et délais que peut engendrer l’ouverture d’un tel compte auprès d’établissement de crédit, notamment lorsque le constituant a son siège social à l’étranger ». Le compte fruits et produits peut ainsi être ouvert à tout moment à compter de la signature de la déclaration de nantissement, jusqu’à la date à laquelle la sûreté peut être réalisée. Dans un tel cas les fruits et produits sont considérés comme faisant partie intégrante du compte titres nanti à la date de signature de la déclaration de nantissement (quelle que soit la date d’ouverture du compte fruits et produits). La sanction attachée à l’absence d’ouverture du compte à la date de réalisation du nantissement est par ailleurs clarifiée : les fruits et produits sont dans ce cas exclus de l’assiette du nantissement.

On notera enfin les modifications terminologiques qui permettent notamment de clarifier la distinction entre le « compte spécial » et le « compte fruits et produits ».

2.- Possibilité de nantir successivement un même compte-titres. Tout comme l’était la possibilité d’exclure conventionnellement les fruits et produits de l’assiette du nantissement de compte-titres, la possibilité de nantir successivement un même compte-titres avait elle aussi été discutée par la doctrine. Certains l’admettaient (L. Aynès, P. Crocq et A. Aynès, Droit des sûretés, LGDJ, Droit civil, 2020, n° 538) quand d’autres y voyaient une « impossibilité implicite » due à l’indivisibilité du droit de rétention (v. par exemple, J. Mestre, M. Billiau et E. Putman, Traité de droit civil – Tome 2 : droit spécial des sûretés réelles, 1996, not. p. 389). Cette possibilité, autrefois conventionnelle, est désormais admise expressément par l’ordonnance n° 2021-1192 : l’article L 211-20 précise que, dans ce cas, le rang des créanciers successifs est réglé selon la date de leur déclaration de nantissement respective. Le rang ainsi déterminé peut néanmoins faire l’objet d’aménagements conventionnels, selon la volonté des parties. C’est d’ailleurs ce qu’estimait déjà le Comité juridique de l’ANSA dans un avis du 7 mars 1990 (disponible sur ANSANET).

3.- Réalisation de la sûreté. Il est procédé sur ce point à trois modifications. La première consiste en un élargissement de l’assiette puisque le régime applicable aux titres financiers, français ou étrangers, négociés sur un marché réglementé est étendu à ceux admis sur toute « plateforme de négociation ». Pour mémoire, l’article L 420-1-I alinéa 1 du code monétaire et financier dispose qu’ « une plate-forme de négociation est un marché réglementé au sens de l’article L. 421-1, un système multilatéral de négociation au sens de l’article L. 424-1 ou un système organisé de négociation au sens de l’article L. 425-1 ».

Les modalités de réalisation du nantissement portant sur des titres autres que ceux admis sur une plateforme de négociation sont par ailleurs modifiées de manière à ce que la réalisation intervienne à l’expiration d’un délai de huit jours, ou de tout autre délai décidé par les parties : il s’agit là d’une harmonisation des délais applicables et ce, que les titres soient admis ou non sur une plateforme de négociation. Enfin, afin de tenir compte de l’abrogation de l’article L 521-3 du code de commerce auquel renvoie le deuxième alinéa du V, les dispositions de l’article ainsi abrogé sont reprises à l’article L 211-20, à droit constant, à l’exception de la signification à laquelle est substituée une notification.

Entrée en vigueur. L’article L 211-20, dans sa nouvelle rédaction, entrera en vigueur au 1er janvier 2022 (O. n° 2021-1192, art. 37).

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Ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 portant réforme du droit des sûretés

Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 portant réforme du droit des sûretés

ANSA, Comité juridique du 7 mars 1990, Est-il possible de constituer en gage un portefeuille de valeurs mobilières au profit de plusieurs créanciers ? (disponible sur ANSANET, accès réservé aux adhérents)

n° 2506-7