La loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire vient d’être publiée au Journal officiel (JORF, 23 décembre 2021, texte 2). Pour mémoire, l’une des ambitions portées par cette loi était de « s’assurer de la qualité de la relation des citoyens avec les partenaires de justice (notamment les avocats, les notaires et les huissiers de justice) ». Pour ce faire, le projet de loi tel que présenté en Conseil des ministres en avril dernier poursuivait deux objectifs : d’une part, réformer la déontologie et la discipline des professions du droit et, d’autre part, renforcer les garanties des justiciables. La loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 poursuit ces deux objectifs, ce qui emporte plusieurs conséquences pour les professionnels du droit des sociétés et du droit financier.

1.- Déontologie et discipline des officiers ministériels (avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, commissaires de justice, greffiers de tribunaux de commerces et notaires). Comme l’indiquait l’étude d’impact (p. 285 et s.), le projet de loi entendait renforcer la déontologie et la discipline des professions du droit, afin d’accroître la confiance des citoyens dans l’action de ces professionnels. La réforme visait notamment à renforcer l’accessibilité des règles de déontologie en dotant les professionnels d’un code de déontologie, à mettre en place des services d’enquête indépendants et à assurer le traitement infra-disciplinaire des réclamations.

Code de déontologie et contrôle de l’exercice de la profession. L’article 32 de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 prévoit désormais qu’un code de déontologie propre à chaque profession soit préparé par son instance nationale (respectivement l’Ordre des avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, la Chambre nationale des commissaires de justice, le Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce et le Conseil supérieur du notariat) et édicté par décret en Conseil d’Etat. Toute contravention aux lois et règlements, tout fait contraire au code de déontologie commis par un professionnel, y compris se rapportant à des faits commis en dehors de l’exercice de sa profession, et toute infraction aux règles professionnelles constituent un manquement disciplinaire (L. n° 2021-1729, art. 32). Des collèges de déontologie sont institués auprès des instances nationales de chacune des professions, participent à l’élaboration du code de déontologie de la profession et émettent des avis et des recommandations sur son application (L. n° 2021-1729, art. 33).

L’article 34 de la loi du 22 décembre 2021 vient conférer plusieurs pouvoirs au procureur général : (i) l’exercice d’une mission de surveillance de la déontologie et de la discipline des officiers publics et ministériels du ressort de la cour d’appel ; (ii) la possibilité de saisir les services d’enquête de ces professions et demander toute explication à un professionnel ou aux instances représentatives de la profession et (iii) l’exercice de l’action disciplinaire à l’encontre des commissaires de justice, des greffiers des tribunaux de commerce et des notaires du ressort de la cour d’appel, concurremment avec les autorités de chacune de ces professions habilitées à l’exercer (L. n° 2021-1729, art. 34). Les articles 35 et 36 de la loi viennent par ailleurs détailler la procédure applicable en cas de manquement d’un professionnel à ses obligations.

L’article 37 institue auprès de chaque juridiction disciplinaire de premier ressort un service chargé de réaliser les enquêtes sur les agissements susceptibles de constituer un manquement disciplinaire.

Création de chambres régionales et de cours nationales de discipline (L. n° 2021-1729, art. 38). S’agissant des notaires et des commissaires de justice, des chambres de discipline, instituées respectivement auprès des conseils régionaux des notaires et des chambres régionales des commissaires de justice désignés par arrêté du ministre de la justice, connaissent en premier ressort des poursuites disciplinaires contre ces professionnels. Elles sont composées d’un magistrat du siège de la cour d’appel, en activité ou honoraire, président, et de deux membres de la profession concernée. Deux cours nationales de discipline sont aussi instituées, l’une auprès du Conseil supérieur du notariat, l’autre auprès de la Chambre nationale des commissaires de justice. Elles connaissent des appels formés contre les jugements des chambres de discipline de la profession concernée. Elles sont composées d’un magistrat du siège de la Cour de cassation, en activité ou honoraire, président, de deux magistrats du siège de la cour d’appel, en activité ou honoraires, et de deux membres de la profession concernée. Les arrêts de ces cours nationales de discipline peuvent faire l’objet d’un pourvoi devant la Cour de cassation.

S’agissant des greffiers de tribunaux de commerce, une cour nationale de discipline (composée d’un magistrat du siège de la Cour de cassation, en activité ou honoraire, président, et de quatre membres de la profession) est instituée auprès du Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce ; elle connaît des poursuites contre ces professionnels. Les arrêts de cette cour peuvent faire l’objet d’un recours devant la Cour de cassation, qui statue en fait et en droit.

S’agissant des avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, une cour nationale de discipline est également instituée auprès de l’ordre des avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation. Elle connait des poursuites disciplinaires contre ces professionnels. Cette cour est composée d’un membre du Conseil d’Etat, d’un magistrat du siège de la Cour de cassation (en activité ou honoraire) et de cinq membres de la profession. Elle est présidée par le membre du Conseil d’Etat lorsque les faits en cause ont trait aux fonctions exercées devant le Tribunal des conflits ou devant les juridictions de l’ordre administratif. Dans les autres cas, elle est présidée par le magistrat du siège de la Cour de cassation. Ses arrêts peuvent faire l’objet d’un recours devant le Conseil d’Etat lorsque les faits en cause ont trait aux fonctions exercées devant le Tribunal des conflits ou les juridictions de l’ordre administratif ou devant la Cour de cassation dans les autres cas, qui statuent en fait et en droit.

Sanctions en cas de méconnaissance par ces professions de leurs obligations en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme (L. n° 2021-1729, art. 39). Outre les peines prononcées en application de l’article L. 561-36-3 du code monétaire et financier, les peines disciplinaires qui peuvent être prononcées contre ces professionnels, personnes physiques ou morales, sont l’avertissement ; le blâme ; l’interdiction d’exercer à titre temporaire pendant une durée maximale de dix ans ; la destitution, qui emporte l’interdiction d’exercice à titre définitif ; et le retrait de l’honorariat. Etant précisé encore que la peine de l’interdiction temporaire peut être assortie, en tout ou partie, d’un sursis.

 

2.- Nouvelles obligations incombant aux officiers ministériels relatives à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme (LCB-FT) (L. n° 2021-1729, art. 43). Désormais, les chambres des notaires et les chambres régionales des huissiers de justice pourront respectivement être assistées par le Conseil supérieur du notariat et la chambre nationale des commissaires de justice dans leur mission de contrôle du respect, par les personnes mentionnées à l’article L 561-2 du code monétaire et financier, des obligations prévues en matière de LCB-FT et de gel des avoirs et à l’interdiction de mise à disposition.

 

3.- Actions relatives au devoir de vigilance : compétence du tribunal judiciaire de Paris (L. n° 2021-1729, art. 56). La loi n° 2021-1729 met fin au feuilleton jurisprudentiel relatif à la question de savoir qui, entre le tribunal de commerce et le tribunal judiciaire, était compétent pour connaitre d’une action relative au devoir de vigilance prévu aux articles L 225-102-4 et L 225-102-5 du code de commerce. Pour mémoire, trois décisions de justice avaient été rendues et créaient l’incertitude :

L’article 56 de la loi du 22 décembre 2021 vient trancher la question de la compétence judiciaire par la création d’un nouvel article L 211-21 dans le code de l’organisation judiciaire qui dispose que le tribunal judiciaire de Paris connaît des actions relatives au devoir de vigilance fondées sur les articles L 225-102-4 et L 225-102-5 du code de commerce.

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Textes

LOI n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire

Sur ce sujet également

CNB, Synthèse de la loi pour la Confiance dans l’institution judiciaire

CNB, Tableau d’application de la loi pour la Confiance dans l’institution judiciaire