Covid-19 : Principales mesures de l’ordonnance n° 2020-321 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles de réunion et de délibération des assemblées et organes dirigeants des personnes morales et entités dépourvues de personnalité morale de droit privé en raison de l’épidémie de Covid-19
L’article 11 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 a habilité le Gouvernement, sur le fondement de l’article 38 de la Constitution, à prendre par ordonnances, dans un délai de trois mois à compter de la publication de la présente loi, toute mesure relevant du domaine de la loi.
Le texte prévoyait notamment des mesures « simplifiant et adaptant les conditions dans lesquelles les assemblées et les organes dirigeants collégiaux des personnes morales de droit privé et autres entités se réunissent et délibèrent ainsi que les règles relatives aux assemblées générales » (v. brève ANSA, Covid-19 : Publication de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19, 24 mars 2020).
Publiée au Journal Officiel du 26 mars 2020 (JO RF, n° 0074, texte 41), l’ordonnance n° 2020-321 du 25 mars 2020 adapte les règles de réunion et de délibération des assemblées générales et organes dirigeants, notamment celles des sociétés civiles et commerciales (O. n° 2020-321 ; art. 1er), des masses des porteurs de valeurs mobilières ou de titres financiers, des fondations et fonds de dotation, et de façon plus générale, toute personne morale ou entité non dotée de personnalité morale de droit privé. L’ANSA a été consultée dans le cadre de la préparation et l’élaboration de cette ordonnance.
Le ministère de l’Économie, des Finances, de l’Action et des Comptes publics a publié le 26 mars 2020 une foire aux questions à ce sujet : https://www.tresor.economie.gouv.fr/Articles/1c3d1af2-dfea-4f9c-a998-efbce8f918d0/files/09e87e4b-60f3-4cb6-9810-3605ff884a0e
Portée rétroactive
Cette ordonnance n° 2020-321 est applicable aux assemblées et aux réunions des organes collégiaux d’administration, de surveillance et de direction tenues à compter du 12 mars 2020 et jusqu’au 31 juillet 2020, sauf prorogation de ce délai jusqu’à une date fixée par décret et au plus tard le 30 novembre 2020 (O. n° 2020-321 ; art. 11). Un décret pris en Conseil d’État venant préciser les conditions d’application de cette ordonnance (O. n° 2020-321 ; art. 10) est attendu et devrait être publié dans les prochains jours.
- Mesures relatives aux assemblées (O. n° 2020-321 ; titre II)
- Adaptation des règles de convocation et d’information
1) Absence de nullité de l’assemblée pour défaut de convocation par voie postale (O. n° 2020-321 ; art. 2). En principe, l’article R 225-63 impose un envoi de convocation par voie postale à défaut d’accord de l’actionnaire de recourir à la communication électronique. L’ordonnance pallie une des difficultés pratiques nées du contexte actuel pour certaines sociétés cotées.
L’article 2 précise en effet que la nullité de l’assemblée n’est pas encourue lorsqu’une convocation devant être réalisée par voie postale n’a pu l’être en raison de circonstances extérieures à la société. Comme l’indique le rapport au Président de la République, il faut entendre par « circonstances extérieures à la société » celles dues à l’épidémie de Covid-19, à savoir l’impossibilité d’accéder aux locaux de la société ou de préparer les convocations. L’article 2 consacre l’obligation de moyen de l’émetteur.
2) Possibilité de recourir à la dématérialisation pour satisfaire au droit de communication (O. n° 2020-321 ; art. 3). L’article 3 facilite le recours à la dématérialisation en permettant aux sociétés d’adresser par voie électronique tout document ou information qu’un membre de l’assemblée générale leur demanderait préalablement à la tenue de l’assemblée générale sous réserve que le membre indique dans sa demande l’adresse électronique à laquelle cette communication peut être faite.
- Adaptation des règles de participation et de délibération
1) Possibilité de tenir l’assemblée générale sans que les membres et les autres personnes ayant droit d’y participer n’assistent à la séance (à huis clos ou par conférence téléphonique ou audiovisuelle) (O. n° 2020-321 ; art. 4). Compte tenu des restrictions aux déplacements et rassemblements mises en œuvre pour répondre à la crise sanitaire, l’article 4 de l’ordonnance autorise l’organe compétent pour convoquer l’assemblée ou le représentant légal agissant sur délégation de l’organe à décider que l’assemblée se tienne sans que les membres et les autres personnes ayant le droit d’y assister ne soient présents physiquement ou par conférence téléphonique ou audiovisuelle. Le rapport au Président de la République précise que cette possibilité est subordonnée à une condition : l’assemblée doit être convoquée en un lieu affecté, à la date de la convocation (entendue au sens large, ce qui inclut, dans les sociétés cotées, l’avis de réunion) ou à celle de la réunion, par une mesure administrative limitant ou interdisant les rassemblements collectifs pour des motifs sanitaires.
Dans ces cas, les membres peuvent toujours participer et voter à l’assemblée selon les autres modalités prévues par les textes qui la régissent et l’ordonnance, notamment : poser des question écrites, demander l’inscription à l’ordre du jour de points ou de projets de résolution, adresser un pouvoir (procuration sans indication de mandataire telle que visée à l’article L 225-106 dernier alinéa ou pouvoir au président de l’assemblée), vote à distance (au moyen du formulaire papier de vote par correspondance ou du vote électronique) (O. n° 2020-321, art. 4 al. 2).
Les assemblées qui seront réunies par conférence téléphonique ou audiovisuelle permettront en outre à leurs membres d’exercer leurs autres prérogatives en assemblée.
Il incombe à la société d’aviser par tout moyen permettant d’assurer une information effective les actionnaires et les autres personnes ayant le droit de participer à l’assemblée de la date et de l’heure de l’assemblée ainsi que des conditions dans lesquelles ils pourront exercer l’ensemble des droits attachés à leur qualité de membre ou de personne ayant le droit d’y assister.
2) Extension et assouplissement du recours à la conférence téléphonique ou audiovisuelle (O. n° 2020-321 ; art. 5). Pour compléter les mesures prises à l’article 4, l’ordonnance n° 2020-321 étend et assouplit en son article 5 le recours à la conférence téléphonique ou audiovisuelle, y compris pour la tenue des assemblées générales devant statuer sur les comptes : cette autorisation concerne les sociétés cotées et non cotées, qu’il s’agisse d’une AGO ou d’une AGE, même en l’absence de disposition statutaire l’autorisant, ou nonobstant toute clause contraire des statuts, ou figurant dans le contrat d’émission pour les assemblées d’autres porteurs de titres mobiliers (BSA ou autres).
Le recours à de tels moyens doit être décidé par l’organe compétent pour convoquer l’assemblée ou le représentant légal agissant sur délégation de l’organe (O. n° 2020-321 ; art. 5-I) et s’entend de moyens transmettant « au moins la voix des participants » et satisfaisant « à des caractéristiques techniques permettant la retransmission continue et simultanée des délibérations » (O. n° 2020-321 ; art. 5-II).
Sans qu’il y ait dérogation sur ce point, pour les assemblées des sociétés soumises aux dispositions des articles L 225-107-II et L 228-61 (c’est-à-dire celles pour qui le recours à la visioconférence ou à des moyens de télécommunication était subordonné à l’existence d’une clause statutaire ou à une clause prévue dans le contrat d’émission), la nature et les caractéristiques de sécurité des moyens techniques admis sont celles déterminées par les dispositions réglementaires correspondantes. Il conviendra donc en pratique de se référer :
- à l’article R 225-97 pour les assemblées d’actionnaires ;
- à l’article R 228-68 (qui renvoie aux dispositions règlementaires applicables aux assemblées d’actionnaires de SA) pour la masse des obligataires ;
L’article 5-III précise que les règles susvisées sont applicables quel que soit l’objet de la décision sur laquelle l’assemblée est appelée à statuer.
3) Assouplissement du recours à la consultation écrite des assemblées (O. n°2020-321 ; art. 6). Lorsque la loi prévoit que les décisions des assemblées peuvent être prises par voie de consultation écrite de leurs membres, l’organe compétent pour convoquer l’assemblée ou son délégataire pourra décider de recourir à cette faculté sans qu’une clause des statuts ou du contrat d’émission ne soit nécessaire à cet effet ni ne puisse s’y opposer (O. n° 2020-321 ; art. 6 al. 1er). Cette faculté est expressément prévue pour les SARL et pour les SNC, elle l’est implicitement par la liberté statutaire prévue par la loi pour les SAS et les SCS.
L’ordonnance précise que les sociétés peuvent bénéficier de cette faculté quel que soit l’objet de la décision sur laquelle l’assemblée est appelée à statuer (O. n° 2020-321 ; art. 6 al. 2).
4) Aménagement exceptionnel des formalités de convocation pour les sociétés cotées (O. n° 2020-321 ; art. 7). L’article 7 de l’ordonnance vise l’hypothèse où les sociétés se trouveraient en situation d’appliquer les dispositions des articles 4, 5 ou 6 (v. infra) alors même que des formalités de convocation auraient déjà été accomplies avant la date d’entrée en vigueur de l’ordonnance en vue d’une assemblée appelée à se tenir après cette date. L’article 7-I prévoit dans ce cas que la modification du lieu de l’assemblée ou des modes de participation à celle-ci, ne donne pas lieu au renouvellement des formalités de convocation et ne constitue pas une irrégularité de convocation.
Les sociétés cotées qui tiendraient leur assemblée générale sans participation physique des membres (O. n° 2020-321 ; art. 4) ou qui auraient recours à la conférence téléphonique ou audiovisuelle (O. n° 2020-321 ; art. 5), alors même que des formalités de convocation auraient déjà été remplies, devraient en informer les actionnaires dès que possible par voie de communiqué dont la diffusion effective et intégrale est assurée par la société, sans préjudice des formalités qui restent à accomplir à la date de cette décision. Il est précisé que la modification du lieu de l’assemblée ou des modes de participation ne donne pas lieu au renouvellement des formalités de convocation et ne constitue pas une irrégularité. (O. n° 2020-321 ; art. 7-II)
2. Mesures relatives aux organes collégiaux d’administration, de surveillance et de direction (O. 2020-321 ; titre III)
1) Assouplissement du recours à la conférence téléphonique ou audiovisuelle (O. n° 2020-321 ; art. 8). Le recours à la conférence téléphonique ou audiovisuelle est également facilité pour le conseil d’administration, le conseil de surveillance et le directoire puisque l’article 8 al. 1er autorise pour l’ensemble des réunions de ces organes (y compris celles relatives à l’arrêté ou à l’examen des comptes annuels) le recours à de tels moyens quelles que soient les dispositions statutaires.
Ces moyens de conférence téléphonique ou audiovisuelle doivent au moins permettre la transmission de la voix des participants et doivent satisfaire à des caractéristiques techniques permettant la retransmission continue et simultanée des délibérations (O. n° 2020-321 ; art. 8 al. 2).
Cet assouplissement est applicable quel que soit l’objet de la réunion (O. n° 2020-321 ; art. 8 al. 3).
2) Assouplissement du recours à la consultation écrite (O. n° 2020-321 ; art. 9). Le recours à la consultation écrite est également autorisé pour les réunions du conseil d’administration, du conseil de surveillance et celles du directoire et ce, quel que soit l’objet de la réunion et sans qu’une clause des statuts ou du règlement intérieur ne soit nécessaire ni ne puisse s’y opposer. Comme le précise l’article 9, les consultations écrites doivent néanmoins être assurées « dans des conditions assurant la collégialité de la délibération » (O. n° 2020-321 ; art. 9).
Un décret viendra compléter l’ordonnance pour traiter des changements de mode de participation et préciser le fonctionnement du bureau dans l’hypothèse d’une Assemblée se tenant sans la participation physique des actionnaires.
Ordonnance n° 2020-321 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles de réunion et de délibération des assemblées et organes dirigeants des personnes morales et entités dépourvues de personnalité morale de droit privé en raison de l’épidémie de covid-19
https://www.legifrance.gouv.fr/jo_pdf.do?id=JORFTEXT000041755899
Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2020-321 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles de réunion et de délibération des assemblées et organes dirigeants des personnes morales et entités dépourvues de personnalité morale de droit privé en raison de l’épidémie de covid-19
https://www.legifrance.gouv.fr/jo_pdf.do?id=JORFTEXT000041755893
Tenir son AG et respecter les délais comptables dans le contexte de la crise du Covid-19